"Lawrence d'Arabie" est la nouvelle superproduction de David Lean, le réalisateur du "Pont de la rivière Kwai" qui a déjà attiré 9 445 763 spectateurs en France quand sort son nouvau film le 15 mars 1963! Alors même si le thème est différent (mais encore un film de guerre historique et psychologique se passant dans un environnement exotique pour un spectateur français métropolitain), le film de 3h40 est très attendu pour être un gros succès sur la longueur, d'autant que les critiques sont excellentes, et qu'il a reçu 10 nominations aux Oscars (et en gagne 7 dont meilleur film et réalisateur).
Niveau casting, Anthony Quinn est connu en France depuis "La strada" en 1955, mais aussi il a joué dans de très gros succès comme "Notre-Dame de Paris" et "Les canons de Navarone", et en second rôle on retrouve Alec Guiness qui était le premier rôle dans "Le pont de la rivière Kwai", les autres acteurs ne sont pas franchement connu à l'époque, et le tout n'a pas une forte valeur au box office en France. Ce sera plus le film en lui-même et son grandiose attendu qui pourront attirer les spectateurs français.

A sa sortie, on est en pleine Jourlepluslong-mania, qui est sorti depuis 22 semaines et est encore premier de la semaine pour la 15ième fois! "Lawrence d'Arabie" a une projection de gala le vendredi, puis sort pour le public le samedi, d'où des chiffres de première semaine légèrement décevants : 39 657 entrées sur 4 salles d'exclusivité, toutes parisiennes, alors que la même semaine sort "Le voyage à Biarritz" qui réalise 33 646 entrées sur seulement trois salles, et que "James Bond 007 contre Dr No" la semaine précédente réalisait pour sa sortie 46 911 entrées sur 4 salles.
Le film a besoin de très grosses salles, car avec sa durée il ne peut acceuillir que deux séances par jour, et en fait sa moyenne par séance est monstrueuse : 991 entrées! Et les prix sont bien sûr nettement majorés pour cette sortie (alors que déjà les salles d'exclusivité sont plus chères), ce qui fait que sa recette est encore meilleure que son nombre d'entrées.
Pour sa seconde semaine (et première complète), le film est encore sur 4 salles, il monte à 43 678 entrées, encore 780 entrées de moyenne par séance, après-midi de semaine inclus! Autant dire que c'est complet en week-end... Et il largue complètement et le Bond et le "Voyage à Biarritz".
En ajoutant une cinquième salle, "Lawrence d'Arabie" monte à 61 585 entrées, on voit qu'il plait totalement à ses premiers spectateurs d'exclusivité.
Et le film va tourner sur quelques salles pendant des mois à travers la France (il faut dire qu'il y a parmi des copies 70mm qui coûtent très cher à tirer) et début août il franchit les 500 000 entrées de salles d'exclusivité (aux tickets fort chers).
En septembre il n'est encore que projeté sur 6 écrans à travers la France, continuant à tourner de salle d'exclusivité en salle d'exclusivité, de ville en ville.
Au cours d'octobre, sa diffusion s'élargit, passant à 8 puis à 10 écrans en fin de mois, avec toujours de bonnes moyennes par salle malgré la durée du film, et il dépasse les 800 000 entrées. "Le pont de la rivière Kwai" est ressorti, et est diffusé sur plus d'écrans...
Et chaque semaine des copies sont ajoutées, et son box office hebdomadaire suit la progression, mi-novembre il est sur 18 salles, et ajoute 62 453 entrées, et il passe le million d'entrées. Cela fait 8 mois qu'il est sorti à Paris.
Il atteint pour la première fois le top 5 hebdomadaire fin novembre, avec 77 637 entrées sur 21 copies. C'est bien, mais pas non plus exceptionnel. Et son cumul est de 1 183 634 entrées. On est très loin des chiffres du "Pont de la rivière Kwai" qui sur la même durée avait attiré déjà 5M de spectateurs, même si il est vrai sur une diffusion plus large plus rapidement, mais qui à ce stade de sa diffusion avait des moyennes par salle meilleures.
Ceci dit, le film plaisant au public, il est très loin d'avoir fini sa carrière de film à prestige et à reprise, et il n'a pas encore entamé sa carrière en salle de quartier et dans les petites villes.
Il ne profite qu'un peu des vacances de Noël, mais avec 93 205 entrées, c'est sa meilleure semaine, cependant sur maintenant un record de salle aussi : 37 (alors que "La cuisine au beurre" lui fait vraiment son beurre cette semaine-là avec 521 410 amateurs de Bourvil et Fernandel... et sur seulement 56 salles, quel succès!).

On est au 31 décembre 1963 et "Lawrence d'Arabie" cumule 1 457 512 spectateurs. Pas encore impressionnant, mais il ne commence seulement sa diffusion plus large, et de plus sa recette est plus forte à cause du prix des places d'exclusivité auquel s'ajoute le surprix dû à la longueur exceptionnelle du film.
Et la semaine du Premier de l'an, il passe pour la première fois la barre symbolique des 100 000 entrées hebdomadaires (sur 39 salles).
Il passe tout janvier et début février à un bon niveau, remontant plusieurs fois à la cinquième place. Et mi-février, il atteint pour la première fois la troisième place de la semaine, pour la première fois il atteint 125 650 entrées hebdomadaires, et il franchit les 2M de cumul : sa carrière s'est accélérée nettement! (en étant passé à un parc de salle classique de continuation de carrière, entre 34 et 45 écrans par semaine) Malgré la concurrence (niveau long film historico-aventure) de "La grande évasion" (un immense succès avec déjà 3,8M d'entrées et encore en plein creusement de tunnel) et des "55 jours de Pékin" (2,2M, et qui près d'un an après sa sortie prendra même la tête du classement hebdomadaire), ainsi que "Le jour le plus long" qui sorti depuis plus d'un an commence à être moins diffusé, et avec 7,6M de spectateurs, déjà beaucoup de monde l'a déjà vu - et pourtant il est encore loin d'avoir fini de déverser toute ses troupes et va continuer son débarquement pendant les mois qui suivent.
"Lawrence d'Arabie" continue en baissant lentement sur tout mars, et fini le mois à 68 979 entrées et un cumul de 2 559 497 entrées. Les 3M ne font plus aucun doute, ce qui était bien le minimum espéré avant sa sortie.
Avril 1964 est moins bon, et il finit le mois à 2 717 655 entrées, légèrement moins bien que "Les 55 jours de Pékin" et ses 2,860M, et nettement en dessous de "Ben-Hur" toujours à l'affiche depuis 1960 (et qui avait commencé sa carrière comme "Lawrence d'Arabie" sur très peu de salles sa première année et élargi sa diffusion, et toujours en salle trois ans après) et ses 7,577M d'entrées, et c'est nettement moins bien que "Le jour le plus long" (qui a un sujet cher au coeur des Français du début des années 60) et ses 8,131M et encore largement diffusé, mais aussi que "La grande évasion" avec 4,754M et surtout encore au-dessus des 65 000 entrées cette semaine-là. Bref, "Lawrence d''Arabie" est à ce stade un succès mais très loin d'être un triomphe ou un champion, et il ne part pas pour le devenir (notamment en comparant avec "Ben-Hur" qui a eu le même type de sortie prestigieuse la première année et d'élargissement ensuite, mais avec des salles plus remplies pour un film ne pouvant lui aussi avoir que deux séances par jour).
Après un grand creux en mai et juin, le film est plus diffusé pendant les vacances d'été, mais rien de très marquant, "Le pont de la rivière Kwai" est repris aussi et a parfois plus d'entrées par salle que "Lawrence d'Arabie"; cependant en août il progresse et remonte même à la cinquième place hebdomadaire, dépassant les 3M d'entrées, l'honneur est sauf.
Il ne profitera pas de la remontée de la fréquentation avec l'arrivée de septembre, et quittera définitivement le top 30 fin août.

Pochette d'un 45T de la musique de "Lawrence d'Arabie".

Le thème musical de Maurice Jarre sera célèbre aussi.

Fin 1964, il cumule 3 426 445 entrées (en ayant réalisé 1 968 933 entrées sur 1964), certes c'est un succès, et son exploitation va continuer, il peut monter à 4M dans les années à venir, mais pour un film d'une telle ampleur et avec une si bonne réception critique on pouvait espérer plus.
Ses concurrents au cours de 1964 (dans la catégorie grand spectacle historique de plus de 2h30 sortis en 1963 ou avant) ont fait plutôt mieux : "La grande évasion" avec 6,4M, "Les 55 jours de Pékin" avec 3,654M, "Le jour le plus long" avec 9,138M (qui est sorti 5 mois avant "Lawrence d'Arabie" et réalise à peine moins que lui sur 1964), le film précédent de Lean "Le pont de la rivière Kwai" en reprise à plus d'un million d'entrées sur 1964 et qui cumule désormais 10,970M de spectateurs (second plus gros succès depuis fin 1944! derrière seulement "Le petit monde de Don Camillo"), et "Ben-Hur" qui n'a pas quitté l'affiche depuis 1960 et ajoute plus de 950 000 entrées pour un cumul de 8,070M.
Il est désormais quatrième des sorties de 1963 (en plus de "La grande évasion" et des "55 jours de Pékin", "La cuisine au beurre" est également au dessus).

En 1965, "Lawrence d'Arabie" est encore vu par 390 754 spectateurs, cumulant 3 817 199 entrées. C'est du niveau des "55 jours de Pékin" (qui donc reste devant), mais nettement en dessous des deux films en tête du box office des sorties de 1963, et aussi très au dessous du 1,123M de "James Bond contre Dr No" qui profite de l'engouement pour l'agent 007 spécialement fort depuis la sortie de "Goldfinger" (mais qui ne cumule "que" 2,8M d'entrées pour le moment).

En 1966 il va ajouter 167 956 entrées à son box office, qui atteint alors 3 985 155 entrées. Puis il est retiré de l'affiche les années suivantes. Il est toujours 4ième des sorties de 1963, avec le James Bond se rapprochant (3,319M, puis 3,644M fin 1969).

23 décembre 1970 le film ressort dans une version raccourcie de 15 minutes. Sur seulement 4 salles, il réalise 33 122 entrées, avec ses deux séances quotidiennes, c'est excellent! Et les 4M symboliques sont franchis...
Et le film va passer 16 semaines dans le top 30 et au-dessus des 20 000 entrées! Un franc succès de reprise, avec au total 838 046 entrées de reprise à fin 1971 (et un cumul de 4 823 201 entrées).
Du coup, il passe devant "Les 55 jours de Pékin" (qui n'aura que 85 000 entrées de reprise entre 1972 et 1975, puis 155 000 en 1983), et met un grand espace entre lui et l'agent 007 dans sa première mission (qui dépassera lui aussi "Les 55 jours de Pékin" en 1980).
Et ce n'est pas fini, puisqu'en 1972 il va encore séduire 110 317 spectateurs, puis 83 080 entrées en 1973 ce qui lui permet de dépasser les 5M de cumul!
Et le film sans réelle reprise continue à être diffusé en 1974 avec 73 200 entrées, puis en 1975 il remonte même à 117 392 entrées, loin d'être oublié 12 ans après sa sortie.
Puis de 1975 à 1979 il ajoute encore 129 413 entrées, pour un cumul de 5 336 603 spectateurs.

Il aura ajouté 1 351 448 entrées au cours des années 70, au milieu de succès au style totalement différent de celui du début des années 60 ("Emmanuelle", "Les valseuses", "L'exorciste", "Les bidasses en folie", ...).

Et en 1980, il a une petite reprise, de nouveau vu par 125 942 spectateurs, cumulant 5 462 545. Puis le film est nettement moins vu, montant tout de même légèrement au-dessus des 10 000 entrées en 1982 et 1985, c'est l'époque de ses premiers passages à la télévision (coupé en deux soirées). Cependant de 1981 à 1988 il ajoute encore 37 868 cinéphiles à son box office, souhaitant le voir sur grand écran et en une seule projection.

Affiche pour la reprise restaurée de 1989 de "Lawrence d'Arabie".

Et en 1989, alors que la carrière de "Lawrence d'Arabie" est désormais à la télévision, et que le film est d'un style qui ne se fait plus depuis longtemps, il est toujours dans le coeur de certains cinéphiles, et une longue restauration est entreprise (à l'époque pas de numérique, il faut retrouver des copies partiellement en bon état à travers le monde, pas toutes avec le même montage, et restaurer le négatif - dès sa première exploitation il y aura eu une version plus courte d'un quart d'heure pour les salles de quartier), le montage sera aussi légèrement revu par Lean, et le film ressort tout neuf tout beau en 1989, appuyé par sa projection cannoise médiatisée.
Et malgré ses diffusions à la télévision les années passées, ça marche encore, en sortant dans peu de salles, mais de belles salles, malgré les presque 4h, avec une musique prégénérique avec écran noir pour mettre dans l'ambiance et un entracte au milieu du film (une autre époque... en 1989 les films sont bien différents, on en est déjà au troisième épisode d'Indiana Jones, et les déambulations au rythme du dromadaire de Lawrence pourraient paraitre au ralenti à côté de celles du Docteur Jones pour le public qui a grandi avec un autre style de cinéma). Le jeune public cinéphile découvre alors un tout autre film que celui vu sur le petit écran en deux soirée, et 171 002 spectateurs se déplacent et payent pour passer 4h dans le noir mais au soleil, près de 200 000 spectateurs en ajoutant ceux des années suivantes (et plus de 250 000 au total).
Grâce à cette reprise, le film continuera à avoir des projections ponctuelles jusqu'au début des années 2000. Depuis il est moins projeté, la re-restauration se fait (2012) pour le blue-ray et non plus pour la salle de cinéma.

Progression PONCTUELLE.
Entre 2000 et 5000 entrées en cinq ans mais au moins un an sous les 200 entrées.

Entre autres grâce à UGC Culte en 2022.