Le roman de Victor Hugo est toujours très connu 125 ans après sa parution, plusieurs adaptations en ont été faites y compris au temps du muet (souvent très résumé, parfois même en court-métrage), la dernière date de 1939 et est sorti en France en 1947 (en 1941 brièvement en zone libre) : "quasimodo" avec Charles Laughton et Maureen O'Hara, qui n'a pas laissé grande trace au box office français.
Les adaptations précédentes ne vont donc pas faire d'ombre à cette superproduction, avec Anthony Quinn (qui est en train de devenir un visage connu en France suite à son rôle dans "La Strada" en 1955 qui atteint à fin 1956 déjà 3M d'entrées - il continuera sa course à plus de 4,5M) et Gina Lollobrigida qui a déjà plusieurs énormes succès en France depuis 1952, dont "Fanfan la Tulipe" (qui terminera à plus de 6,7M d'entrées) et 6 autres films qui finiront autour ou franchement au-dessus des 3,5M en seulement 5 ans.
Avec ces deux acteurs, avec Jacques Prévert pour la co-adaptation, plus Delannoy derrière la caméra qui a déjà eu un triomphe historique en 1946 avec "La symphonie pastorale", ainsi qu'un gros budget permettant des décors à la hauteur du sujet, et surtout avec Victor Hugo à l'histoire, le film a tout pour être un beau succès, en tout cas les 2M d'entrées sont un minimum et les plus de 3M espérés.

"Notre-Dame" sort en exclusivité la semaine de Noël, le 19 décembre. Il n'est que onzième de la semaine... "que onzième" étant très trompeur : devant lui le devancent des films sur au minimum 21 copies, or "Notre-Dame" n'est que sur 3 salles, et réalise 109 879 entrées! Excellent bien sûr, même si ce sont des salles de prestige, la moyenne par salle est très bonne! Le public est impatient de découvrir le film et est prêt à payer plus cher l'exclusivité.
Et si la semaine du Nouvel an il passe douzième, c'est en fait du très haut niveau, avec 124 445 entrées sur ses trois salles (près de 41 500 entrées par salle!).
Il restera 5 semaines sur trois salles seulement, cumulant déjà 419 638 entrées.
Puis il aura une quatrième salle et pour deux semaines il reste encore dans le top 30 avec une moyenne par salle supérieure à 10 000 entrées, cumulant alors déjà 516 835 entrées malgré sa diffusion confidentielle!
Après encore deux semaines d'exclusivité confidentielle, il sort enfin plus largement sur le territoire national et il explose : avec 34 salles, il prend la première place hebdomadaire avec 296 240 entrées, puis sur 52 salles c'est 435 271 entrées, cumulant un magnifique box office de 1 259 058 spectateurs. Le film fait largement ce qu'on attendait de lui, en triomphant tout autant en province qu'il l'avait fait à Paris. Reste maintenant à voir ses jambes.

Il passe second la semaine suivante, avec la concurrence de "Michel Strogoff" sorti un peu avant lui (et qui a déjà 2,5M d'entrées), mais avec 247 773 entrées sur 46 salles, il reste très haut, et franchit les 1,5M.
Il a encore une semaine au-dessus des 200 000, puis deux semaines au-dessus des 100 000, et passe à 97 319 entrées. Certes il dépasse alors les 2M d'entrées, mais il a l'air d'avoir moins de souffle pour tenir la distance qu'un film comme "Michel Strogoff". Il faudra voir sur le long terme s'il résiste mieux une fois dans le circuit de seconde exploitation.

Cependant il se stabilise, repassant même de temps en temps au-dessus des 100 000 entrées, et il franchit les 2,5M début mai (toujours 1M derrière Strogoff).
Puis il plonge rapidement en mai, et disparait du top 30. A partir de mi-août, il recommence à être plus vu, mais sa moyenne par salle a fortement baissée, il est passé au circuit des petites salles, la saison estivale n'est pas propice à la fréquentation, et de plus le film n'est pas spécialement recherché des estivants, et "Notre-Dame de Paris" ne progresse que lentement au box office.
Mi-septembre, la fréquentation générale des salles est meilleure, il reprend de l'énergie, et réussit à franchir les 3M. L'objectif est rempli, d'autant que sa carrière est loin d'être terminée, c'est le genre de film qui devrait être diffusé dans les salles de quartier pendant des années.
Pendant l'automne, selon les villes où il est diffusé, il fait le yoyo au box office hebdomadaire. Et début octobre, sur seulement 44 salles il s'offre une nouvelle jeunesse avec 200 579 entrées et la place de premier alors que deux semaines plus tôt il n'attirait que 30 560 spectateurs très loin du top 30! La semaine suivante est excellente aussi à 169 016 entrées (second, sur 48 salles) et lui permet de franchir les 3,5M. Le succès est franc. Jusqu'où pourra-t-il monter?
Il passera encore 4 semaines au-dessus des 90 000 entrées, et la cinquième il dépasse le cumul de 4M d'entrées! Les 5M seront donc clairement dépassés à terme, voire nettement plus en cas de reprise à succès future.
Il continuera à faire le yoyo le reste de 1957, alors que cela fait un an qu'il est à l'affiche. Il termine 1957 avec un cumul de 4 280 742 entrées, premier sur l'année calendaire 1957 (de seulement 60 000 entrées devant "Sissi"), et second des sorties de 1956 (désormais seulement 100 000 entrées derrière "Michel Strogoff", grâce à un finalement bel automne), devançant "Sissi" de 274 000 entrées.

En 1958, il gagne encore 480 472 spectateurs, cumulant 4 761 214 entrées. En soit c'est un bon chiffre, mais on pouvait espérer mieux : "Sissi" a attiré encore 1,3M de spectateurs, "Michel Strogoff" plus d'un million... Si "Guerre et paix " a eu 2,6M d'entrées c'est que son exploitation aura été différente avec une très longue période d'exclusivité et beaucoup de villes qui ne le projetèrent qu'en 1958 pour la première fois, et il est encore largement en dessous du box office de "Notre-Dame de Paris", qui par contre est largement distancé par "Sissi" et "Michel Strogoff" et passe troisième des sorties de 1956. Même "Le chanteur de Mexico" sorti aussi en décembre 56 mais avec 1,3M d'entrées de moins sur 1957 réalise 150 000 entrées de plus en 1958.

Affiche thaïlandaise du film.
Notez que le titre écrit en lettres romaines est en anglais ("The hunchback of Notre-Dame") pour faire passer cette coproduction franco-italienne d'un livre français pour une production anglosaxonne, procédé très ancien donc.

En 1959, il ajoute encore 204 424 entrées, là encore moins que les films précités; son cumul est de 4 965 638 entrées.
En 1960, avec 135 618 entrées, il totalise un magnifique 5 101 256 entrées.
Il ajoutera les années suivantes 93 863, 65 871 puis 124 675 entrées, avant d'être retiré de l'affiche. Fin 1963, il cumule 5 385 665 entréers, toujours troisième des sorties de 1956.
En 1964, il n'est donc plus exploité, "Guerre et paix" ressort avec succès, ce qui lui permet de dépasser "Notre-Dame de Paris" qui passe quatrième des sorties de 1956.

"Notre-Dame de Paris" ressort en 1965, mais ses 157 718 entrées sont très loin des 0,576M récoltés en 2 ans par "Guerre et paix"; il ajoute en 1966 encore 118 139 entrées (en dessous de la troisième année de reprise de "Guerre et paix"), puis 20 310 entrées en 1967, date où il cumule 5 681 832 entrées.
On aurait pu espérer une carrière plus en longueur pour une grosse production telle que "Notre-Dame de Paris", sa troisième partie de carrière (après 1957) n'a pas été aussi forte que les autres champions de 1956. Cependant, il méritait d'être troisième, mais 1956 a été riche en champions.
Il complètera son box office au fil des décennies, avec au maximum quelques milliers d'entrées annuelles désormais.

Progression LABORIEUSE.
Moins de 500 entrées en cinq ans.